Depuis qu'ils se connaissent, Moïse a moins peur de l'exploration en pleine mer. Il se dit que les remous des vagues ne sont que des passages à surmonter et qu'il emmènera Barbie jusqu'au bout de la mer s'il le pouvait. Au contraire de son ami, l'eau le réconforte, lui dit des mots d'amour, et le ciel se confond avec l'océan. Et Moïse pense aux peintres qui doivent se concentrer et penser très fort aux couleurs pour représenter l'union des molécules marines et des molécules aériennes. Il pense et il a six ans. Il trouve ça drôle, surtout avec Barbie.
Aujourd'hui il y a du soleil et trois pauvres nuages (aux formes rectangulaires, vraiment étrange) mais il fait tellement chaud qu'on les oublie. La maman de Moïse a téléphoné à celle de Barbie pour qu'ils passent l'après midi ensemble, parce qu'en été, pendant les vacances, on passe des après-midi avec ses amis, pendant que les parents parlent sous les tonnelles en épluchant des clémentines (qui ne sont pas des fruits de saison). Et ça rit, ça plaisante, ça parle de plus tard été d'hier, des bêtises des gamins et des coquillages sur le sable.
Les deux enfants ont dévalé les rues en criant. Ils se sont posés sur le sable la gorge déployée, loin de l'eau, car l'un a peur de l'eau, alors que l'autre l'aime. Ils ont construit des châteaux de sable. Les heures défilaient, chaudes mais ça allait quand même. Les crabes étaient planqués dans leurs rochers et les fleurs se tenaient bien droites pour pas casser le paysage. Les gens bronzaient. C'était calme.
Et d'un seul coup, Moïse dit :
Barbie, viens, on va toucher l'écume.
Il prend la main de l'ami. Lui sourit.
J'éloigne les monstres, qui pourraient être dans la brume.
T'inquiète pas,
chuchotent ses yeux.

le sable chaud et le rire de moïse pour compagnie, barbie s’applique à construire le plus haut des châteaux. si moïse aime voyager, c’est sur le gros nuage carré au dessus d’eux que barbie veut l’emmener. l’amas blanc pour barque, ils vogueront tous les deux dans cette mer sèche qui sert de miroir à la première (bien plus terrifiante).
loin derrière, barbie entend maman rire. papa a prit la mer : elle peut se détendre, un petit peu et profiter elle aussi du soleil et de la plage. mais papa reviendra, elle le sait au fond d’elle, ça se voit dans ses yeux.

et barbie pourrait rester ainsi des heures durant, c’est ce qu’il se dit lorsque moïse brise le silence. aller toucher l’écume ? s’approcher des monstres marins ? barbie hésite mais moïse lui prend la main. ajoutant comme si il pouvait lire en lui que les monstres, il les éloignera.
adoucis par l’aventurier et son regard qui fait écho à son serment, barbie se lève gardant la main de l’autre dans la sienne.
tu les laissera pas m’attraper hein?

avec tout le courage dont un enfant de six ans peut faire preuve, barbie avance vers l’étendue bleue face à lui. ses pas sont hésitants, ses yeux se fixe sur les deux mains jointes à sa gauche et il ressert l’étreinte.
ses orteils touchent pratiquement la mousse blanchâtre lorsqu’il s’arrête.
dit, tu vois quelque chose ? Hein ?
j’ai vu quelque chose là bas!!
il fait un pas en arrière, heurte un caillou et tombe sur le sable mouillé. en regardant sur sa gauche il remarque qu’il a lâché la seconde mains et ses yeux paniqués s’élèvent en direction de moïse.

j’ai eu vraiment peur..

tu les laisseras pas m'attraper hein ?
Moïse voudrait dire mais non mais non mais ça rime pas alors les mots sortent pas. Il essaye de trouver un alexandrin qui collerait bien mais ça fonctionne pas, ça lui donne mal à la tête alors il la secoue pour dire non. Main dans la main leurs poignes sont terribles, ils se tiennent comme pas possibles et les vaguelettes viennent leur lécher les orteils et le froid s'immisce doucement en un doux frisson. Loin des illusions.
Jusqu'à ce que Barbie crie et tombe à la renverse entraînant Moïse dans sa course. Quand ils tombent ce dernier rit par surprise et parce que l'eau salée a trempé sa chemise. Le sel colore sa peau déjà blasphémée par le soleil, il a remarqué la même chose sur celle de son ami. L'océan rafraîchit mais épouvante l'enfant du pêcheur qui a eu sacrément peur. L'explorateur se lève et fait de même avec Barbie au grand cœur, et le sable est mou, le fait s'enfoncer, pendant qu'une grosse vague vient lécher la plage, noyant jusqu'à la taille les pauvres gamins.
Instinctivement le premier prend le second par l'épaule et le bras pendant que l'eau submerge leurs petits corps jusqu'au nombril. Il voit bien que pour l'ami l'eau est le monstre, mais il a promis à l'enfant du pêcheur qu'il le protégerait.
l'eau monte et puis descend
chante chante et tu te rends
regarde elle scintille sous le soleil
et à des jeux d'eau je m'essaye.
L'eau s'est calmée il n'y a plus de vagues mais elle leur arrive toujours jusqu'à la taille. Barbie tremble un peu, Moïse l'enlace tendrement, comme à un frère on ferait un câlin. Ce que, dans le cœur du faux poète, l'ami est. Ça le réconforte d'avoir un pêcheur dans le coeur. L'amour ne coulera pas ou sera repêché. Il a un peu moins peur de l'immensité grâce à ça.
Le kraken s'est éloigné, il pense. Il se détache de Barbie et dit :
on est pas biens ici ?
dans mes yeux des confettis
dansent sur la mer et dans les tiens
brillent quelque machins que je ferais bien mien.
Oui ils sont bien là. Les après midi comme ça sont bien tranquilles et Sainte-Pé baigne dans la mer d'Hélios. Les parents sont loin on ne les entend plus, alors ils peuvent tout se dire.
Il s'apprête à ouvrir la bouche quand soudain, un poisson qui passe devant eux. Un poisson chat. Pas le genre à plaisanter. C'est l'heure de reprendre l'épée.