Certains mystères entourent l'île, mais on peut les éluder facilement. Voici quelques palabres pour comprendre un peu mieux le fonctionnement de Sainte-Pélagie (dans notre argot commun, le grand large).

A quelques kilomètres de la terre ferme, en proie à de fortes vaguelettes et entourée souvent de brume la nuit, l'endroit est propice au calme et à la solitude, pourtant, rien de tel ne secoue l'île. On peut la rejoindre par un seul et unique moyen : le bateau de Snoopy, un homme d'âge mur aussi vaillant qu'infortuné, à la pipe et au goulot un peu faciles. Toutefois, on arrivera toujours à bon port, avec lui, aucun risque de tomber aux tentacules du kraken et des imbroglios du vent. Il manie son rafiot avec plus de vigueur que le dernier des imbéciles et connaît les passages pour amener les visiteurs et les intrigués à Sainte-Pélagie. C'est peut-être aussi le seul à pouvoir naviguer entre ces deux terres, les rares personnes ayant tenté l'exploit n'ont toujours pas été retrouvées, comme si Elle rejetait les étrangers trop présomptueux partant à la découverte d'un lieu où ils n'ont pas été invités. Cependant, n'importe qui peut venir, il lui suffira passer par Snoopy et il sera accepté.

Tout en collines et falaises, rochers, plages, plaines, prés, Sainte-Pélagie regorge de chemins et de lieux merveilleux, dont certains ne se révèlent que la nuit tombée (la grotte des pierres, le champ des étoiles, le bain des lumières, etc... - une annexe est prévue). Le village est surtout concentré dans la partie sud de l'île avec les commerces, la place et la maison du maire (le nain, qui n'a de maire que le titre, s'évertuant pourtant au bien être des pélageois), mais des groupes de quatre ou cinq maisons, voire des maisons seules sont dispersés dans tout le paysage. On entend de la musique, Ella Fitzgerald, Ennio Morricone et d'autres airs, jusque tard le soir, et le mugissement des bêtes du cirque, et les vagues, le grincement de deux ou trois portes et c'est tout. Voilà comment est l'île.

Les natifs sont aussi étranges que leur prédécesseurs. Ceux qui sont arrivés sur l'île le sont devenus et ceux qui arriveront le seront aussi. On ne sait pas trop pourquoi des gens "normaux" deviennent tarabiscotés, cela doit être l'effet de l'île, qui a une forte emprise sur les habitants, qui deviennent particuliers. Cela ne s'explique pas, c'est ainsi et pas autrement. Et ça à toujours été comme ça. Les différences s'expriment par le biais de tics ou de manies, d'habitudes de vie et d'expressions, de passions et de désirs, de façons de penser (cela revient un peu au même, d'ailleurs). Toujours avec douceur et pas trop marquées, leurs particularités leur donnent du relief, et les font vivre, et surtout, exister.
Là bas, on trouve des alcooliques, des jardiniers, des dépressifs, des vendeurs de bonbons, des suicidaires, des bibliothécaires, des bouchers, des apothicaires, des meurtriers, des écrivains, des scélérats, des poinçonneurs, des damnés, des artistes, des chefs, des pêcheurs, des soldats, des maçons, des conjurés, en fait, on a pas fini de tout énumérer, on trouve de tout. Ni mal ni mauvais, ni bien ni meilleur, après tout, là bas, on s'en fiche un peu du passé, puisqu'on vit dans le présent. On se construit ensemble. On s'invente des passions. On se pardonne, aussi, certainement.