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 Bouteille à la mer

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Félix
Félix
particularité : Coups de soleil devenant grains de beauté dessinant une carte au trésor
bricolages : Étudiant en pharmacie
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Lun 20 Juin - 0:52

Le deuil d’un proche, c’est lancer une bouteille à la mer en espérant être celui qui la récupèrera. Le deuil avait fait partie de la vie de Félix depuis sa naissance, d’abord sa mère, des oncles éloignés puis son grand-père récemment. Les bouteilles de Félix semblaient ne jamais revenir, à chaque fois qu’il en lançait une nouvelle, elle sombrait dans l’océan. Cette fois-ci avait été différente, parce qu’il était plus proche sans doute. Ils se voyaient tous les étés dans une petite maison dans les montagnes, ils partaient en randonnée, cueillaient des mûres et les mangeaient sur le chemin jusqu’à en avoir mal au ventre, puis ils rentraient et se racontaient des histoires d’aventure. Les aventures avaient toujours lieu sur terre, son grand-père ne parlait jamais de la mer, encore moins d’île déserte, il n’aimait pas les îles, disait-il.  

C’est pour cette raison que père et fils furent surpris d’apprendre que le vieil homme possédait une maison sur une île, sa maison d’enfance paraissait-il, et il leur avait légué sans jamais leur en dire un mot. Le père de Félix, pris par le poids des deuils et de la vie, avait confié l’importante mission à son fils de se rendre dans cette maison, trier les affaires qu’ils pouvaient garder, celles qu’ils pouvaient vendre avant de mettre la maison sur le marché.

« Petite maison de vacances atypique et pittoresque en bord de mer », dirait l’annonce. Et on y mettrait des jolies photos sous le soleil de midi après avoir tondu la pelouse qui devait pousser depuis des années.

Ainsi, Félix n’avait pas seulement jeté sa bouteille, il avait pris la mer pour débarquer sur l’île inconnue de Sainte Pélagie. Il avait avec lui un sac à dos, un petit cabas bleu où il avait glissé ses cours et des fleurs séchées pour les déposer près de la maison, en souvenir. Il était arrivé sans rien connaître, mais semblait reconnaître les lieux et s’était dirigé vers la maison de son grand-père. S’il avait croisé des gens il n’en s’en souvenait pas, le poids de sa raison d’être sur cette île pesait au-dessus de sa tête comme un petit nuage de pluie qui dissuadait quiconque de lui adresser la parole.

La maison était jaune. Non pas par le temps, véritablement peinte en jaune, les volets et poutres blancs encadrant une porte verte à la peinture écaillée et aux carreaux poussiéreux. Après un moment de contemplation, la clef entra dans la serrure, déverrouillant des années de souvenirs qui sentaient le renfermé et la poussière. Cela ne serait pas de tout repos de remettre les lieux en état, les locataires araignées et souris n’étant sans doute pas ravies de leur nouvelle compagnie.

Félix posa sac et cabas dans l’entrée. Cette bouteille-ci, elle flottait aux alentours de Sainte Pélagie.
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jimmy
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Lun 20 Juin - 4:31

En descendant des collines on tombait vite sur une maison jaune, couleur soleil dans un écrin aux reflets pomme, dont les volets blancs étaient toujours fermés. On passait toujours devant les dimanches puisqu'elle se trouvait sur le chemin de l'église, et tout le monde trébuchait sur la racine du grand chêne qui comme les ronces du jardin, que je connaissais par cœur après avoir grandi avec elles, s'était fait une place pour apercevoir la mer au loin. Cette mer scintillante qui, jadis (on me l'avait raconté), pailletait les fenêtres du premier étage.
Cette maison je la connaissais bien car tout le monde y envoyait du courrier. Pourtant dans cette grande baraque personne n'y résidait, et on racontait aux enfants que toutes ces lettres c'était sordide, qu'c'était pour le fantôme du marin perdu en mer - moi mon grand-père m'avait dit que c'était celle d'un homme perdu là-bas sur terre. Perdu si loin qu'il en avait oublié Sainte-Pé, qu'un jour il les avait tous laissés (il disait ça avec un ton amer). Le courrier, lui, n'avait jamais oublié. Il y en avait tant qu'on avait fabriqué plusieurs boîtes aux lettres, qui avaient elles aussi poussé le long du mur, car celle d'origine, toute rouillée qu'elle était, ne pouvait plus rien contenir depuis longtemps. On y entassait tout : factures, nouvelles, publicités, elles finissaient toutes froissées et bousculées à travers le battant. Moi ça me faisait de la peine, de les voir ainsi abandonnées à toutes les intempéries - surtout sur ce bout de l'île où il faisait souvent gris.

Souvent j'ai eu envie d'ouvrir les lettres - comme ça, juste pour voir, car personne ne les lira si moi je ne le fais pas. J'ai toujours résisté, je le jure, même la fois où l'enveloppe était déjà déchirée. Mais aujourd'hui j'ai pas pu, parce qu'un bout de la feuille dépassait et que c'était facile de tirer dessus. C'était marqué : Condoléances. Un ange près de toi dormira. Au dos un mot griffonné dans une écriture presque illisible, des excuses et des vœux de la part de... je n'aurais pas su dire. Ça se voyait que ç'avait été tiré sur une imprimante maison (à cause des lignes striant régulièrement l'image) et sur un papier de mauvaise qualité, de ceux qui gondolent avec deux trois gouttes, et le feutre avait bavé, cachant le s de condoléances (à moins qu'il ait été oublié). On aurait pu croire que ç'avait été fait sans vraiment de volonté - il en fallait pourtant pour écrire à une maison abandonnée loin du rivage.
Alors je fonce à vive allure sur les sentiers de Sainte-Pélagie. Dans mes sacoches brinquebale la tournée du jour, je manque de la renverser à chaque virage, surtout celui du carrefour entre la rue du Puits-de-l'Ermite et celle des Mauves. Mais je pédale toujours plus vite, car au bout du chemin il y a la maison-soleil et cette fois je lui annoncerai qu'elle n'a plus personne à attendre, que plus personne ne viendra, qu'on l'a abandonnée, mais qu'elle a encore les mots que je lui lirai, pour qu'on sache enfin qui aurait du revenir - hormis son nom, nous n'avons rien de plus. Sous mes pneus crissent les cailloux, je dévale enfin les collines qui mènent à ma destination. Ils dégringolent et j'aperçois la porte grande ouverte comme elle ne l'est jamais, et tes affaires sur le pallier, et toi dans l'entrée - à mon tour de dégringoler, maudite, maudite racine de chêne ! Je culbute toutes les boîtes aux lettres, elles s'envolent et s'avalanchent tandis que je traverse la clôture et les ronces, dans un fracas effrayant qui remue beaucoup de poussière.
J'ouvre les yeux sur ton visage qui m'inspecte et cherche ta main pour y glisser les condoléances chiffonnées que j'avais voulu donner au silence de la maison, avant de retomber dans l'inconscience.
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Félix
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Lun 20 Juin - 21:13

Quelques pas dans la maison et le cœur s'alourdissait de ressentir les souvenirs qui s'étaient ancrés dans les murs. On y entendait encore les rires d'enfants et les discussions tardives des adultes autour d'un verre miraculeusement frais après avoir passé l'après-midi au soleil. Cette maison couleur tournesol cachait dans ses planches, lattes et carrelages des années d'histoire et de secret dont son dernier héritier ne connaissait rien. Il n'avait jamais entendu parler d'une maison jaune, d'une île, du gros chêne qui faisait de l'ombre et des ronces.

Les ronces, ce fut la première chose qu'il vu de lui. Lui qui, alors que Félix faisait un pas dans la demeure, arriva en grand fracas dans sa vie (enfin surtout dans la palissade écaillée du jardin). Son cœur sauta un battement sous le tintamarre de boites aux lettres, vélo et chute qui se mélangeaient. Par réflexe, il courut dehors et à la seconde où le maladroit touchait le sol, il était déjà à ses côtés à essayer tant bien que mal de le sortir des plantes.

" Est-ce que vous allez bien ? Vous m'entendez ? Hey ! "

La seule réponse obtenue fut la lettre glissée dans sa main. Même si la curiosité était forte, il la fourra dans sa poche de pantalon et se mit à deux mains pour soulever le postier écroulé. La rue était vide, comme si elle savait ce qu'il venait de sa passer mais le laissait se débrouiller. Avec plus ou moins de délicatesse, il porta le blessé jusque dans l'herbe. Fort de cinq années d'étude en médecine, il se chargea rapidement de retirer les ronces après l'avoir installé en position latérale de sécurité. Il avait déjà bien assez à faire avec son deuil pour y rajouter celui d'un facteur briseur de palissade. Il lui parlait en même temps, lui posant des questions :

" Comment vous vous appelez ? Quels jours sommes-nous ? Savez-vous où nous sommes ? "

Peu de gens se souviennent des premiers mots qu'ils ont échangé avec quelqu'un, cela était encore plus compliqué lorsque l'interlocuteur était obstinément muet et inconscient. Drôle chose de se dire que ce furent les premiers mots que Félix prononça à Sainte Pélagie.
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Mar 21 Juin - 0:11

J'ai senti tes mains me retourner et retirer les épines des miennes, les déposant sur l'herbe salée. Sur mes joues tes doigts tapotent, et ta voix inquiète, cependant terriblement professionnelle, me parvient en bribes. – Comment vous vous appelez ? Quels jours sommes-nous ? Savez-vous où nous sommes ? J'ouvre les yeux, alerte, Jimmy, lundi, Sainte-Pélagie, 16 rue Château Branlant. Et toi ? Je m'appuie sur ton bras et nous nous relevons face à la grève.
On se dévisage en silence et j'ai le temps de voir tes boucles rousses, mouillées à l'extrémité, dépasser sous ta capuche, et tes tâches de rousseur qui te constellent jusque dans le creux de ton cou et peut-être plus loin encore, j'ai détourné le regard trop vite et même, je n'aurais pas pu voir. Jamais personne n'aurait pu parier que celui qui reviendrait à la maison-soleil ç'aurait été toi, sûrement parce qu'on attendait quelqu'un de vieux, quelqu'un de moins gentil aussi – faut être sacrément fâché avec l'île pour oser tout plaquer derrière soi pour rejoindre le continent. Moi je le déteste tellement que j'ai du mal à imaginer qu'on puisse vouloir s'y rendre !
Le vent vient s'épuiser sur mes coupures et en ravive les picotements, du coin de l'œil j'aperçois mon vélo tout tordu au bout d'un chemin forcé qui a aplati bonnes et mauvaises herbes. C'est avec effroi que je constate l'état de la clôture, toute brisée qu'elle est on ne peut plus que la remplacer, ce qui m'attriste – je m'étais promis, avec Zazie, de la repeindre en secret pendant la nuit. Oh non, oh je suis sincèrement désolé, oh non... Je relève les branches tombées – en vain. Je me retourne vers toi, je promets de faire mon maximum pour la réparer, elle sera encore plus belle qu'avant ! Ton silence me fait craindre d'avoir dit une bêtise, non pas qu'elle était laide avant, je ne voulais pas heu, je me sens bête, j'ai tout cassé encore pourtant tu es là à me sourire dans le soleil et je- je suis stupide...
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Mar 21 Juin - 1:00

Son cœur cessa de s'affoler aux premiers mots prononcés, se fut même un petit soupir de soulagement qui s'en suivit en réponse. Félix eut le temps de croiser son regard quelques secondes, ses yeux qui avaient l'air encore perdus en mer, les cheveux en bataille sur le crâne et le front, la petite moustache qui parsemait le dessus de ses lèvres et puis il tourna la tête, chassant son image.

" Félix… Baker. ", souffla-t-il.

Il inspecta de nouveau ses mains et bras pour vérifier qu'il avait bien retiré toutes les épines qui avaient mordues sa peau. Ses yeux de la couleur du feuillage du chêne féroce se posèrent sur la clôture en bien mauvais point.

" Oh ça… Ce n'est pas très grave. On verra ça plus tard. Le plus important c'est comment tu te sens. Est-ce que tu as mal quelque part ? Je préfère que la barrière soit cassée plutôt que tes os !", dit-il en tentant de le rassurer quant à l'ampleur des dégâts.

Après tout, il fallait bien en briser des barrières pour s'ouvrir à de nouvelles choses. Il avait déjà trop à s'occuper pour s'inquiéter d'une barrière, comme son Jimmy cabossé au sol. Il se leva et partit rapidement chercher son sac à dos qui contenait évidemment une petite trousse de secours rouge vive avec une petite croix blanche.

" Quelle idée de rouler si vite, n'y a-t-il pas de limitation de vitesse sur les îles ?", demanda-t-il. " Je vais désinfecter les petites plaies et puis j'irais faire de la glace si tu sens que tu as mal, c'était une sacrée chute !"

Avec une délicatesse qui semblait innée, il prit sa main dans la sienne et posa un petit coton de désinfectant spécial "qui pique pas" et le tapota sur les bobos causés par la chute.
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Mar 21 Juin - 2:23

Tu as pris tes pansements et tes mains ont touché les miennes encore comme pour les réconforter, en inspectant mes zébrures rouges comme si chacune était précieuse - moi j'en prends pas soin, tu verrais combien mes phalanges sont toutes pétées, j'ai essayé de tout guérir pourtant alors pourquoi ça pique toujours autant ? À un moment tu as touché ce bleu, celui-là qui même avec du savon ne s'enlève pas et que j'ai depuis deux ans - déjà ? Je retire ma main, un peu trop rudement, non, pas là, parce que ces blessures ne sont pas les tiennes, celles-là je les connais et personne n'a jamais réussi à m'en défaire. Je porte tes doigts à mon oreille où je sens encore une épine en percer le lobe, désolé, ici plutôt ça me fait mal..., j'en aurais tremblé de ressentir les caresses du coton aseptisé mais au lieu de ça je serre fort les plis de mon pantalon et je t'assure que tout va bien.
Merci. T'es bien le seul à te trimballer avec tout ça. Ici les plaies on les referme au sel sur la grande plage, on en fait des trophées et des trésors sans chercher à les enfouir, alors tout ce qui aurait pu les faire disparaître on l'a rangé depuis des lustres (ça prend la poussière dans le cabinet de notre médecin imaginaire). Tu te lèves pour aller faire de la glace, non, non, ne t'en fais pas ! mais tu as déjà passé la porte et moi j'ai toujours voulu savoir ce qu'il y avait derrière, alors à mon tour je pénètre le château de poussière qui sent le moisi et l'humide, mais les souvenirs surtout - les tiens peut-être si j'en crois les photos sur la commode, tu ressembles au petit garçon qui sourit derrière madame Adeline, je la reconnaitrais entre mille, même si ici elle a au moins quarante ans de moins et que je ne la connais que depuis vingt-six. Baker, Baker comme Joséphine ? Je ne me souviens même plus si j'ai encore ses disques, depuis que Victor est parti. Je t'appelle depuis l'entrée, n'osant pas avancer plus pour ne pas t'encombrer, aussi parce que je crains la nuit surtout quand elle est à l'intérieur. Quand tu reviens, je suis un peu soulagé - imagine si tu te serais transformé en ce fantôme que l'on a inventé. Je roulais vite car aujourd'hui je devais annoncer la nouvelle à la maison : plus personne ne reviendra pour elle. Je t'inspecte du regard, faussement méfiant. Mais tu es là et tu es revenu, après des années d'absence... C'est vrai ça, quelle est la raison de ton retour ?
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Mar 21 Juin - 10:26

Il est surpris lorsque sa main lui échappe mais il ne la retient pas. Doucement il retire l'épine de l'oreille et tamponne le coton, sans le contredire ou chercher à insister pour le soigner. La situation est déjà trop nouvelle, trop intense, pour insister dessus.

" Ah, il faudrait que tout le monde ait une trousse comme celle-là avec soi…" rétorqua-t-il avec un sourire.

Il se lève tranquillement sans avoir le temps d'entendre qu'on le rappelle. Enfin il entre dans cette maison, sans même regarder les meubles, les photos, les souvenirs. Il s'enfonce vers ce qui semble la cuisine. Mais les frigos sont débranchés depuis des années, on a laissé quelques épices, quelques biscuits tout rabougris pour nourrir les souris qui fuient en petits bruits à son arrivée. L'ampleur de la tâche de ses lieux semble peser lourd pour les épaules de Félix. Pourtant il trouve la force d'ouvrir les vieux volets rouillés de la cuisine qui donne vue sur le jardin, qui donne vue sur une palissade pas cassée qui elle-même donne vue sur la mer en contrebas. Mais la vue n'a pas le temps de l'admirer, déjà rappelé à son devoir.

" Je n'ai pas trouvé de glace désolé…", dit-il.

Un sourire voilé de la tristesse des bouteilles passe sur son visage et assombrit le soleil de ses tâches de rousseur.

" Oh… Je suis venu pour elle après tout ce temps. Je ne la connaissais même pas. ", sa main trouve la photographie qui a amené ses questions, c'est vrai qu'ils se ressemblent à confusion. Mais quelque chose a changé dans le nez et les yeux. Les Baker ont les yeux couleur de miel, couleur des troncs de chêne, lui a volé les feuilles et les a glissés dans ses yeux. " C'est mon grand-père, Louis, il est mort il y a quelques semaines… Il nous a légué cette maison alors je suis venu pour la ranger afin qu'on puisse la vendre. C'est gentil de… d'avoir voulu la prévenir ?", supposa-t-il.

Il reposa la photo ce qui souleva une petite brise de poussière sur le meuble, il n'osa pas la regarder trop longtemps. C'était comme voir un inconnu mais que l'on reconnaît trop bien pour que la rencontre ne soit pas douloureuse. Il chassa le nuage de ses pensées.

" Tu réussis à marcher, tu dois avoir seulement quelques bleus, c'est une bonne nouvelle, presque un miracle ! ", il le regarda, " Si tu as des vertiges ou des nausées, dis-le-moi, je n'ai pas vu si tu t'es heurté la tête et je ne pense pas que cette île soit équipée pour un traumatisme crânien. Dans le meilleur des cas, tu auras juste une bosse ou deux. "

Il lui sourit car c'est ce qu'il savait faire dans ces moments, chasser la bouteille qui revenait trop vite et prendre soin des autres plutôt que de lui-même. La petite lettre alourdissait sa poche et il ne voulait pas l'ouvrir, pas encore, pas maintenant.

" Je n'avais jamais entendu parler de cette île, je ne savais même pas que papi y avait vécu, tu penses pouvoir me faire visiter un jour, pas tout de suite bien-sûr, tu dois te reposer et tu dois avoir beaucoup de lettres à distribuer encore…"

Félix était un inconnu sur cette île inconnue et perdu au milieu de gens qui semblaient y avoir toujours vécu. Il se sentait un peu, finalement, comme une bouteille flottant sur l'île mais il semblait avoir été trouvé par un petit rocher où stopper sa course et se guider.
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Jeu 23 Juin - 21:44

Quand tu as ouvert les volets de la cuisine j'ai eu l'impression d'être au théâtre, parce qu'à l'intérieur - dans les tribunes - tout est mort mais dehors tout bouge, la mer tient dans un rectangle au bout du couloir, côté jardin. Aux angles les toiles d'araignées forment comme des rideaux, décrochées par le vent qui, déjà, a soulevé la poussière de la table en la déposant sur les plis de nos vêtements. Pour peu j'en oublierais presque mon mal de crâne et les étoiles qui tanguent en se confondant presque avec les reflets soleil sur les bouteilles poisseuses de l'étagère. Alors tu vas partir... d'un côté je comprends, parce qu'ici y a rien à faire. Pourtant pour toi y aurait peut-être quelque chose, le vieux médecin n'est plus qu'un toubib imaginaire - tout comme ses malades diront les mauvaises langues, mais je le dis pas, ni qu'au lieu de ranger pour vendre tu pourrais ranger pour rester, parce que dans le fond, tu es déjà parti. Tu n'es même peut-être jamais arrivé - c'est ça quand on vient avec l'idée, déjà, de tout abandonner. Ça me rend triste mais encore une fois je préfère me la fermer - les bons sentiments j'ai promis de les laisser de côté, côté cour là où la façade ne connaît jamais le soleil et où les pierres d'angles sont encore aiguisées, rescapées de la galerne chargée de sel qui se faufile sans qu'on puisse l'arrêter.

Tu souris - moi aussi. Ça doit te faire bizarre de rencontrer l'endroit où il a grandit. Tu l'imaginais comme ça, la maison ? Mais j'apprends qu'en réalité tu n'as jamais rien su, que pour toi cet endroit était inconnu. Je déglutis en fixant la photo, madame Adeline serait furieuse d'apprendre cela, je serre les poings en sentant les colères-chagrins me revenir mais je souris toujours, déçu d'en découvrir encore un qui est parti en nous oubliant. Oh à vrai dire, le 16 rue Château Branlant est toujours le dernier. En contrebas, tu as dû la voir, il y a la colline aux spirales - car l'herbe y fait des spirales -, et derrière un abri abandonné. J'y viens souvent à la fin de la tournée, même si à présent je crains ne plus pouvoir y passer, si ton grand-père ne réside plus ici. Je te montrerai, demain, promis, et aussi les rochers qui ressemblent à des ruisseaux, tous tortueux qu'ils sont, et qui transforment la mer en bulles, une écume très fine qui parfois s'envole pour s'accrocher dans les prés, c'est vrai que ce soir je suis un peu fatigué. J'appliquerai la pommade magique que Zazie m'a donnée, la pommade des bleus et des erreurs car on n'en applique que si on se trompe. Je reviendrai aussi réparer cette clôture, si tu veux maximiser tes chances de vendre - enfin ça a aussi son charme, l'authentique. Je sors en marchant sur les dalles et en faisant attention de ne pas écraser l'herbe. Je ramasse une lettre, je la reconnaitrais entre mille, Tu devrais lire celle-ci, et celle-là aussi, et celle... En fait, tous les ans, le 14 février, on la reçoit : même enveloppe, même écriture serrée, la seule chose qui change c'est l'année. Je n'en connais pas le contenue et il n'y a pas d'expéditeur, comme si celui-ci avait décidé de condamner ses lettres à arriver... Je redresse mon vélo, rajuste ma visière. Oh attends. Je prends ta main, avec mon stylo et mon écriture de grosses lettres j'inscris du plus proprement que je peux : jimmy - 07 XX XX XX XX et souris,

je souris encore en dévalant la pente.
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Dim 26 Juin - 9:42

Il hocha doucement la tête.

" Oui, je n'ai pas prévu de rester ici. ", il eut l'air de réfléchir, de se plonger dans des souvenirs auxquels lui seul avait accès. " Je ne savais même pas que cette maison existait, il ne nous en a jamais parlé. Alors sa maison d'enfance… Je ne l'ai jamais imaginée. Je n'ai jamais vraiment imaginé sa vie, d'avant je veux dire."

La famille Baker était porteuse de nombreux secrets bien gardés à clefs dans les coffres de la mémoire et du cœur. Sans doute son grand-père était-il lui aussi un héritier des secrets et y avait ajouté des pierres années après années en ne dévoilant rien de sa maison d'enfance secrète sur une île pas vraiment déserte. Pourtant, Félix lui aimait la plage et le soleil l'aimait un peu trop et venait lécher sa peau qui rougissait de timidité à chaque fois qu'il s'exposait un peu trop sous ses rayons. Mais Louis refusait catégoriquement de passer les vacances à la mer, ce n'était pas bon pour son arthrose disait-il. Il n'avait jamais eu d'arthrose, Félix l'avait compris en commençant ses études, mais il ne s'était jamais posé plus de questions.

" Oh tu n'as pas besoin de réparer quoi que ce soit, essaie déjà de te reposer et puis, j'ai besoin d'un guide oui, tu peux venir demain après ta tournée pour me faire visiter, ça remboursera la barrière. ", sourit-il.

Il sort avec lui sur le porche de la maison jaune et ses herbes folles qui poussent partout, il prend la lettre en y sentant le poids de la bouteille qui coule vers le fond, il la glisse dans sa poche avec l'autre. Mais avant de se retrouver seul à seul dans cette maison-bouteille, on écrit sur sa main, avec un stylo qui chatouille. Et Félix se retrouve avec le numéro d'un pas si inconnu dans la paume, il le rentre dans son téléphone avant de ramasser une à une les lettres dispersées et de rentrer dans la maison, n'en ressortant pas jusqu'au lendemain.
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