la poudre maudite
je m'en souviens comme si c'était hier. elle est venue, la sorcière, elle est venue me tromper. elle m'a fait sacrément peur. j'avais cinq ans elle cinquante. ou peut être plus, elle avait un beau visage mais les rides trahissaient quelques tours de magie pour rester jeune, malgré les sombres paillettes entre les plis de sa peau cuivrée. doucement elle m'a parlé, comme une incantation fiévreuse ; elle me dévorait de ses grandes mirettes de charlatane. elle m'a raconté la légende des papagei dans ma famille, que je connaissais déjà. depuis toujours les jeunes filles de la famille deviennent des papagena et s'évertuent à chercher leur papageno. depuis toujours cela a fonctionné. la sorcière m'a dit qu'elle trouvait ça injuste. je lui ai dit que je ne trouvais pas, que c'était une très belle légende. maman me l'avait déjà racontée, j'imaginais ma maman sur l'île qui regarde l'horizon avec envie et pourtant papa était toujours près d'elle, c'est juste qu'elle n'avait pas bien regardé. quand la papagena rencontre son papageno ils doivent filer le parfait amour, et pour officialiser leur union le papageno offre une plume de perroquet et embrasse sa promise. ainsi la famille papagei avait toujours fonctionné. je n'avais pas encore rencontré mon papageno et je trouvais qu'elle m'ennuyait, la sorcière. j'ai pas attendu longtemps avant son tour de magie. la poudre dans sa main et des incantations sur les lèvres, elle a marmonné deux trois choses à faire trembler, puis dans un éclair blanc m'a saupoudrée.

j'accroche le soleil avant qu'il ne se lève
je vole, et c'est tant mieux. des plumes de perroquet dans les cheveux. le vent murmure et chante, le froissement des plumes glissent sur mes joues. là bas le temps s'en va, là haut c'est le royaume des tourtereaux. comme des aurores boréales les prémices de l'aube caressent mon visage, les faisceaux colorés divaguent dans mes yeux et la brise chante comme les mirlitons. une file pellicule de nuages s'est posée un peu plus haut, mais les oiseaux et moi n'y montons pas, nous filons dans le ciel constellé d'étoiles. on vogue dans l'air vers le soleil, loin du continent. on essaie toujours de l'atteindre avant son lever. après la nuit, un nouveau temps se lève. la pluie est douce. elle sèche sur mes paupières grâce à la tramontane qui m'éclaire. je souris. je me sens vivante.

térence
il n'est pas méchant, térence. il est assez grand pour me faire toucher les étoiles. sa cabane possède tout un tas de bric-à-brac, ce qu'il faut pour me réchauffer le cœur. je le lui ai donné, il ne le sait pas, parce que je ne lui ai jamais dit. peut-être qu'il sait, au final. avant il aimait une sirène mais la sirène s'en est allée. avant j'aimais les oiseaux, et les oiseaux ont décollé vers d'autres terres, pour revenir la moitié de l'année.
la sorcière trotte dans ma tête.
elle a semé des grains de tristesse.
si j'embrasse papageno,
demain se lèvera sans moi.