il y avait ces nuits où il était là et celles où il se noyait sous ses propres draps, emprisonné dans les vagues de soie blanche. seul.
c'était pendant ces nuits-là qu'il avait commencé à écrire et à dessiner sur son carnet, des phrases à l'endroit des phrases à l'envers, des mots en prose et des mots en vers.

---------laisse encore tes phalanges glisser sur mon corps
---------que je puisse une dernière fois
----------garder leur empreinte sur ma peau

depuis qu'il l'avait laissé faner avec toutes ses épines, pablo s'était reconverti en vendeur de roses.
sa boutique était à peine plus grande qu'une misérable cabane, mais au moins elle lui appartenait, et il pouvait ainsi la décorer comme il le souhaitait. des paniers de roses par vingtaines ornaient les plafonds et une douce odeur de camélia embaumait la pièce, si bien que personne ne voulait en ressortir.

-----------------------------------------------------et convertis le soleil en lune
-------------------------------------------------------que la lumière s'éteigne plus vite
----------------------------------------------------------sur nos baisers

sur les murs boisés il avait accroché ses dessins au crayon noir, ceux qu'il avait l'habitude de faire chaque soir en l'attendant, en l'attendant sans plus jamais l'apercevoir.
ce sont des corps nus à peine perceptibles (ou plutôt le corps de roméo), qu'il a dessiné de peur de ne plus jamais le revoir. comme s'il allait oublier ses courbes, comme s'il allait oublier ses yeux qui rugissent et ses lèvres qui supplient.

et puis il ne sait pas tellement ce qui le retient à rester ici, à part ses pieds et son corps tout entier qui l'enlisent sur cette terre qu'il a trop piétiné. il sait qu'un jour il partira, il construira son bateau dans lequel il mettra ses rêves, et il s'en ira dans un pays lointain où il ne pleurera jamais.

(on est bien peu de choses, et mon amie la rose me l'a dit ce matin)