vent frais et ponctualité (sirocco)
:: birds singing in the sucamore tree :: les prés

le vent semble souffler plus fort,
troubler plus fort les habitants colorés du jardins
pourtant zazie n’a pas déserté son poste d’observation :
sur le perron, elle attend.
elle attend comme chaque matin ;
chaque matin depuis longtemps déjà.
elle attend des nouvelles de maman.
il ne lui en apporte jamais, le facteur.
pourtant elle en est persuadée :
ça sera différent aujourd’hui.
tout va changer aujourd’hui.

(non)

assise sur les planches fatiguées, elle tient entre ses mains un thé odorant. une épaisse fumée s’échappe de la tasse, elle ne boit pas. zazie regarde sa montre, se dit qu’il sera bientôt là. il n’est jamais en retard le facteur, toujours à l’heure. il file à toute allure sur son vélo, à travers l’île, livre tous les habitants à l’heure. d’ailleurs le voit déjà, tout au bout du chemin ; si petit qu’elle pourrait le prendre dans sa main. il s’approche, grossit encore et encore. lorsqu’il arrive à la hauteur de la boîte aux lettres, il est bien plus grand qu’elle. zazie s’approche.
il fait froid aujourd’hui, j’ai pensé que ça te plairait
elle lui tend la tasse toujours chaude.
dis, est-ce que j’ai reçu une lettre de maman aujourd’hui?
@sirocco

le vent sur son visage le fait sourire. avant, quand il était plus petit, il croyait que sourire pendant qu'on faisait du vélo, c'était mal parce que des moucherons en profitaient pour se coller sur les dents. maintenant, il a compris que c'était juste une mauvaise blague des autres.
il aperçoit zazie là bas, sur son perron, zazie et sa jolie robe, qui l'attend. lui, il aime ça, qu'elle l'attende. que quelqu'un l'attende quelque part. c'est qu'il est toujours seul enfin souvent, alors il lui sourit. prend sa boisson chaude, cligne des yeux (ça veut dire merci). le liquide s'infiltre dans son corps, c'est doux. merci, zazie.

une lettre de sa maman ?
sirocco fouille dans les sacoches, il n'y a rien pour zazie aujourd'hui, ah si,
ce livre que néo lui a donné, tout à l'heure, les joues rosies, par le froid, ou par autre chose, sirocco n'a pas insisté, il avait du travail, mais sur la route, sirocco riait, en lançant quelques oeufs. pardon les poules. comprenez ma colère, j'en ai trop à évacuer, trop à faire péter.

tiens zazie,
c'est néo qui me l'a donné,
pour toi.

le volume enveloppé,
des fleurs qui dépassent,
((moi aussi j'aimerais qu'on m'offre de si belles choses,
et que quelqu'un me les livre))

tu as l'air triste zazie,
c'est à cause de ta maman ?

zazie,
si tu veux,
monte sur mon vélo,
je t'emmène quelque part.

et le messager, d’une traite boit le liquide encore fumant.
il a infusé longtemps tu sais,
puis j’y ai mis un peu du miel d’agnès
le meilleur de tout sainte-pélagie
zazie se dit que sirocco le mérite, ce thé,
qu’il est courageux le facteur.
elle lui sourit, le débarrasse pendant qu’il fouille la sacoche.
au visage de son ami elle comprend,
comprend qu’une fois de plus il n’a pas de lettre de maman.
elle hausse les épaules, ça ne fait rien. (c’est faux)
mais du gros sac, il sort une chose bien plus précieuse :
pas besoin de nommer son expéditeur pour qu’elle le reconnaisse.
zazie réceptionne le paquet rectangulaire et sourit.
elle le sert contre sa poitrine et se dit que c’est néo,
qu’elle aimerait sentir tout contre son cœur.
quelques fleurs dépassent du volume
des cyclamens ; les favorites de maman.
zazie se fâne un peu, elle lui en veut d’avoir gâché
ce moment et tant d’autres.
rapidement sirocco le remarque.
elle secoue la tête, serre toujours le présent de néo.
ne parlons pas de maman, tu veux ?
elle me rend triste depuis bien trop longtemps…
et je ne veux pas être triste aujourd’hui sirocco.
elle a légèrement froncé les sourcils en parlant,
fait quelques pas en arrière pour poser l’ouvrage
sur une pile de livres déchirés.

c’est vrai
tu ferais ça pour moi ?
ses yeux s’illuminenr.
elle n’a pas l’habitude zazie,
qu’on lui propose de gentilles choses.
qu’on lui propose de défier le vent et de filer assez loin
pour oublier maman et ses lettres qui n’arrivent pas.
mais sirocco qui livrera toutes les lettres d’amour,
toutes les bonnes nouvelles si moi je te distrais ?
je ne veux pas que les amoureux d’ici m’en veulent tu comprends...
elle les jalouse les amoureux, les craint aussi un petit peu.
elle se dit qu’il faut du courage et de la force pour aimer
aimer vraiment
et qu’ils le sont donc cent fois plus qu’elle.
face à elle sirocco est toujours là, elle lui sourit.
dis, je me suis toujours demandé :
le facteur, qui lui apporte ses lettres d’amour?
c’est vrai il est fort et courageux sirocco,
zazie se dit qu’il doit sûrement être amoureux.

mais oui zazie,
mais oui je ferais tout pour toi
les lettres d'amour peuvent bien attendre
mille ou cent ans
ou moins
ou plus
parce qu'aujourd'hui sirocco n'a pas le temps.
personne ne le saura tu sais
personne ne devinera
que sirocco a préféré zazie
à leurs histoires futiles
car la notre est trop belle
car la notre s'écrit maintenant
pas demain
ni hier
ils grimpent sur le vélo et démarrent
c'est plus dur à deux sur la même bécane mais il y a moins de vent et le chemin descend vers le village, vers la plage,
des endroits chouettes,
destinations de rêve.
personne n'écrit de lettres d'amour au facteur, zazie
il y a un obstacle qui l'empêche (lui permet)
de (ne pas) répondre
alors
sirocco fonce et ils rentrent dans la forêt de pins
ça sent bon
les pédales vont vite
zazie rit
sirocco en pleurerait presque
personne ne mérite zazie
regarde, là bas !
c'est une baleine !
au loin la mer scintille et la reine traverse la surface
ça sent l'été
c'est trop beau
incroyable
de la terre ils peuvent voir une baleine !
où veux-tu aller ?
je t'y emmène

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