perdus (néo)
:: birds singing in the sucamore tree :: autour de l'île :: les grottes

sirocco, il aime bien les grottes parce que dedans, le vent ne l'atteint pas. ou alors, il entend sa plainte longue comme des dents de loup mourir le long des parois.
il fait pas toujours noir dans les grottes parce qu'il y a des trous dans le plafond, et qu'on y voit quand même un peu, suffisamment pour pas se prendre les pieds par terre.
les murs sont noirs mais parfois on voit des pierres précieuses et c'est joli, parce que ça fait des reflets colorés et sirocco ça le rassure, il se dit qu'il est pas seul avec les ombres et qu'il ne va pas se faire dévorer par le grand méchant loup.

sauf que.
il sait plus trop où il est à force de marcher au hasard. et s'il était entré dans un labyrinthe et qu'un minotaure allait le dévorer. il serre contre lui sa boîte d'oeufs, il en emmène toujours, on sait jamais. prêt à se défendre. il sent une présence, il entend un souffle.
il s'arrête et il entend les cailloux rouler, il se glisse contre les pierres précieuses, dans l'ombre.
il y a une silhouette là bas.
quand elle fait un mouvement vers lui,
sirocco n'hésite pas,
il balance un oeuf.

Pourquoi suis-je né si ce n'était pas pour toujours ?
Le roi se meurt de Ionesco est dans tes mains. Tu relis cette réplique encore et encore. À voix haute. Ça résonne dans les profondeurs des grottes. Là où les pierres te parlent. Tu aimes venir leur lire une histoire de temps en temps. Que fais-tu ici si ce n’est pas pour y rester ? Néo tu n’es qu’ombre dans ce paysage. Tu n’es point éternel. Ton livre contre ta poitrine, tu te rapproches d’une pierre qui te parle. - tu es éternelle, toi ?

Tu entends des pas. Intrus. Alerte. Qui vient te déranger ? Toi qui dragues la pierre éternelle. Tu ne conquerras pas le règne minéral aujourd’hui. Tu te déplaces doucement. Tu la vois cette ombre au loin alors tu te figes. Un deux trois soleil. C’est toi qui bouges, c’est lui qui te voit. Il t’attaque. Un projectile balancé vers toi, tu lèves ton livre en guise de bouclier et l’oeuf s’écrase dessus. Tu pousses un cri d’horreur. - Non ! Le roi se meurt ! Une édition coûteuse. Ton patron va te flageller, te coller à l’inventaire pendant un mois. Tu frottes la couverture de tes mains, mais le blanc colle, le jaune tâche, tu relèves tes yeux pour distinguer l’ombre traîtresse. - Qui est là ? Meurtrier !

de la frimousse scandalisée, sirocco ne voit quasiment rien. il entend la détresse dans la voix, les accusations. le roi se meurt ? quel roi ? puis il comprend. très vite, l'information se fraye un chemin dans son cortex, après mille circonvolutions le garçon a la réponse : devant lui, c'est l'apprenti libraire. il l'a déjà croisé, avec zazie, mais il sait pas son nom, connaît juste sa voix. hésitant à sortir de l'ombre, il se saisit d'un oeuf, prudemment, pas par pas, éclaire son visage. heu, bonjour ? petit sourire désolé, le projectile toujours brandit. désolé, je voulais pas... je croyais que t'étais un bandit, un violeur, fin... quelqu'un de pas recommandable. désolé. les reproches dans le regard de l'autre, assombris par la grotte, le font frissonner. je te rachèterai ton livre promis, si ça se trouve je l'ai ou il est à la bibliothèque ! mine d'excuse. sirocco range son oeuf, la boîte dans son sac à dos. pardon...

Le meurtrier le salue. Alerte, néo reste sur ses gardes jusqu’à apercevoir le visage de l’assaillant et alors, il le connaît. L’ami de celle a qui il offre des fleurs séchées entre les pages des livres. Tout va bien, tout va mieux, son cœur s’apaise et il rit. Néo un bandit ? Plutôt rêveur que violeur. Je suis très recommandable ne t’en fais pas. L’arme du crime rangée dans le sac, néo faut du même avec la victime recouverte d’ovule de poule. Non ne t’inquiète pas, c’est une vieille édition, mais la couverture n’est pas d’origine, je la changerai en rentrant. Il s’approche, doucement et tend la main comme un drapeau blanc. Paix. Salut moi c’est Néo, on s’est déjà croisé non ? Tu connais zazie ? Celle qui occupe ses pensées dès qu’il croise une fleur.

rassuré, sirocco saisit la main de l'innocent entre les siennes, sous le petit rayon de soleil qui filtre de la surface éclaire leur amitié nouvellement scellée. soudainement lui vient en tête une phrase de ionesco, étudiée à l'école, qu'il avait trouvé belle, qu'il avait même notée quelque part sur un vieux carnet. en somme nous regrettons tout, cela prouve bien que ce fut beau. néo. néo rime avec beau, bottereaux, bigorneaux. ah mais attends... tu habites au dessus de la librairie ? inclinaison de la tête, sourire pensif. c'est que je suis facteur vois-tu... oui, sirocco livre les lettres d'amour, les relevés d'impôts. il livre des colis mystérieux qui viennent de la terre et puis aussi, quand il en a l'occasion, les courses des mamies. ça lui fait plaisir de voir tout ce qui s'échange à sainte-pélagie, morceau de caillou encore un peu rescapé des nouvelles technologies, même si elles prennent de plus en plus de terrain. zazie ? oui, bien sûr que je la connais. quand il croise le regard de son nouvel ami, sirocco y lit plein de jolies choses. oh mais, attends, t'es amoureux d'elle ?

Il l’accapare avec Ionesco. Leurs mains scellent une promesse sourde d’une amitié naissante. Oui, exactement, j’y travaille aussi ! Et alors c'est lui qui glisse les lettres sous ta porte. Il est là le souvenir de ce garçon sur son vélo. Oui ! Je m’en souviens maintenant, je te vois souvent passer dans ma rue. Il est de ceux qui apportent les bonnes et les mauvaises nouvelles. L'hermès des temps modernes. Néo rougit lorsqu’il lui parle d’amour. L’amour, il le connaît sans l’avoir pratiqué. Néo, l’incarnation de l’amour, l’homme qui aime, pourtant incapable d’entretenir une quelconque relation due à son monde trop lunaire, trop astral. Je serai fou de l’aimer ! Elle n’aimera jamais quelqu’un comme moi. Mais il songe, Néo, à ce qu’il peut ressentir pour zazie. Mais je pense que je l’aime oui, suis-je fou alors ? Il sourit à son nouvel ami. La folie est la seule échappatoire à ce monde restreint. Il est fou de penser ne pas l’être. Et toi ? Tu es amoureux de zazie ?

ils se souviennent l'un de l'autre et c'est tout. cela suffit pour qu'ils deviennent de bons copains. sirocco, il a jamais traîné sur les bancs de l'école, sauf les premières années, puis ensuite il a oublié. c'est peut-être pour ça qu'ils se sont si peu croisés. l'inconnu, le meurtrier le trouve mignon, les boucles brunes éclairées chatoient, telle qu'il connaît zazie, elle tomberait amoureuse de celles-ci sans soucis. les aveux échangés dans la fausse nuit ravivent des papillons, sirocco pense à ses anciens amours, les pages perdues, tout ça. non, je ne suis pas amoureux de zazie. sourire pensif, j'ai aimé autrefois. des garçons, quelques filles. j'ai aimé et puis, un jour, le monde s'est effondré. sirocco garde une main dans celle de néo, j'aime pas trop en parler. regard vers le fond de la grotte, un endroit inexploré. là où ils pourront aller déterrer des trésors un jour si l'envie leur prend, lire aux pierre des histoires. alors qu'il allait s'élancer, un doute l'arrête. tu vas lui dire un jour ? à zazie ?

Sirocco, il est comme un livre. Il t’uppercut la gueule avec ses mots. Néo le voit bien dans ses yeux, qu’il ne veut pas parler de ce qu’il fait mal. Sa main dans la sienne, il la serre. Il est là. Il aimerait l’attirer contre lui, mais souvent, on l’a repoussé néo et ses élans d’amour. Alors il reste là. Sa main dans la sienne. Il est là. Tu n’es pas obligé d’en parler. Parce qu’il lit en lui et il connaît les souffrances de mère vie. Il sourit au prénom de zazie. Il sourit à chaque fois qu’il pense à elle. Non, je ne pense pas… Tu penses que je devrais ? Il songe à ce que ça pourrait donner. Et si, et si, et si. Il aime ce qu’il partage avec zazie. Il aime lui laisser des mots et des fleurs entre les pages de leurs livres. Il aime la regarder de l’autre côté de la rue. Est-ce qu’il aimerait lui tenir la main comme il tient la main de sirocco. Zazie elle mérite la personne la plus cool de la planète tu penses pas ? Moi je veux pas lui voler la place à la personne la plus cool de la planète. Tu vois ?

oui tu devrais parce zazie, elle a besoin de quelqu'un qui l'aime, de quelqu'un qui la chérit. la serre contre son coeur avec toute l'affection du monde et tout l'amour de l'univers. quelqu'un qui lui lise des histoires belles à faire pleurer. la coolitude, c'est relatif. et puis c'est pas une question de coolitude l'amour. zazie elle mérite quelqu'un qui lui amène du soleil dans sa vie, ((moi je sais pas fabriquer du soleil)). de quelqu'un qui la chérit. une petite pression sur la main, tu ne te trouves pas cool ? à parler d'amour entre les pierres, ils en oublieraient peut-être la nuit qui tombe. fin d'après-midi, le crépuscule commence à naître et les étoiles aussi. du sac à dos, sirocco sort une couverture, puis une autre. pose sur les épaules de néo un peu de chaleur. toujours de quoi prévenir la nuit. tu viens ? regardons comment sainte-pélagie c'est beau, quand la nuit tombe, en février.

Je lui dirai peut-être alors. Un jour. Quand il fera beau. Il baisse les yeux sur ses pieds. Debout sur l’éternelle. Il pense à elle et à ses fleurs. Zazie et ses pages arrachées qu’elle enterre pour en faire pousser des fleurs. Je ne dirai pas que je suis cool. Et toi, tu te trouves cool ? Il reçoit la couverture comme un cadeau surestimé. Merci… Néo, il a jamais rencontré quelqu’un d’aussi gentil. Même s'il attaque les ombres avec ses œufs, Sirocco, il a l’âme d’une lumière. Il le suit jusqu’à l’entrée des grottes où il s’assoit pour regarder l’horizon. Sainte-pélagie les regarde au loin. Raconte-moi ce que c’est, d’être facteur. Il est curieux d’en connaître plus sur le métier de messager. Celui qui apporte l’amour sur son vélo. Tu m’as dit que ton monde s’était effondré. Comment tu vis quand tout est mort ? Parce qu’il n’a jamais vécu ça néo. Son monde, personne n’y est rentré, c’est pour se protéger. Pourtant, il est curieux de savoir comment ça fait quand un monde entier s’écroule. Comment retrouve-t-on la force ?

est-ce que sirocco se trouve cool ? à vrai dire, il ne s'est jamais posé la question. la question n'avait, à vrai dire, pas à se poser. cool ? j'ai jamais essayé non plus de l'être. d'emblée je ressemblais pas aux autres alors comment j'aurais pu être cool. puis facteur. j'ai pas été à l'école jusqu'au bout. mes parents habitent sur la rive, de l'autre côté de l'océan. ils m'ont déposé ici y a très longtemps, à sainte-pélagie. j'étais l'enfant rejeté, l'enfant des autres. puis je fus l'enfant du facteur. tu sais, parfois, la vie c'est plus simple que l'on croit. enfin. un temps je traînais sur les bancs. c'est là que j'ai rencontré zazie. j'avais des rêves de gosse, devenir pilote de course ou, mieux, guide de haute montagne. je suivais le tour de france à la télé, j'allais pêcher des écrevisses, même l'école j'aimais bien, j'avais des copains. puis vite, je ne sais pas. je n'ai plus voulu. à partir de là, c'est la fissure. mon père est revenu sur l'île me chercher, c'était quand j'devais avoir quoi, sept ans. même pas. j'aimais bien les autres à l'époque mais des autres, il m'en a dégoûté. j'l'ai pas écouté. j'ai pas voulu le suivre. mon vrai père c'était le facteur. il s'est énervé, j'le connaissais pas, après tout, il est parti, en maugréant. sourire triste. ouais. la fin de mon monde, elle a commencé quand mon vrai père, le facteur, est mort. j'avais douze ans. j'ai déserté l'école, j'ai fui. j'savais plus où aller et puis, ensuite, j'ai rencontré l'amour de ma vie. quinze ans. on s'aimait, on se dévorait aussi. et comme les autres, il est parti. je ne sais pas où il a disparu. j'l'ai cherché, de l'autre côté de l'océan. j'ai fait un tour en ville, puis, après m'être défoncé, tu vois, j'suis revenu ici. je me suis pas absenté longtemps et rien avait changé. j'ai retrouvé tout c'qui allait à peu près bien. j'ai repris le job. petites larmes cristallines qui crissent contre la pierre. tu vois j'sais plus trop si j'peux dire que ma vie est cool néo, mais je livre des lettres d'amour, du bonheur plus ou moins. j'essaie de rendre les gens heureux et d'être, moi aussi, heureux. je me dis que, plus j'apporte de bonheur, plus j'ai de chance de trouver ce soleil qui m'a quitté, il y a des années de cela.

Sirocco comme un roman qui vous déchire la peau des doigts. Fils de facteur, fils d’inconnu, fils abandonné, fils de l’autre bout de l’océan. Rêveur perdu sur son vélo. Messager de l’amour. Néo, il voit la tristesse dans ses yeux blues. Il a les larmes aux yeux lorsqu’il écoute sirocco se raconter. Plus vrai qu’un livre audio. Il est de ceux qui se sont perdu et qui essayent de se retrouver. Néo l’enlace de ses bras frêles et pose son front contre l’épaule de son nouvel ami. C’est toi la personne la plus cool au monde. Une larme perle au coin de ses yeux d’enfant du bitume. Au loin, le village les regarde s’enlacer. Tu sais, je parle souvent au soleil. Si tu lui demandes de te guider, il le fera. Mais les jours où il se cache derrière les nuages, ne lui demande rien, ce sont les jours où il est capricieux. Mais moi, j’y crois, que tu vas le retrouver ton soleil, ton amour perdu. Parce que tout ce qui est perdu peut se retrouver. Il relève les yeux vers lui. Si tu apportes du bonheur aux autres alors bientôt, ce sera ton tour. Oeil pour oeil, dent pour dent. Néo regarde l’horizon et la nuit qui tombe, la mer qui se mari à l’océan, là où il aimerait se réfugier. Je n’ai jamais quitté cette île. Comment c’est le monde au-delà du bleu ?

les têtes posées l'une contre l'autre lui redonne un peu de chaleur (finalement le monde est pas si foutu que ça et les humains pas aussi détraqués). puis, comment expliquer à néo qu'son amour est probablement mort, là bas, sur le continent, gisant dans une rue, sur le macadam froid. comment lui dire que parfois les rêves ça se réalise pas ? mais c'est gentil alors au lieu de lui expliquer que la mort elle se rattrape pas, sirocco serre un peu plus les couvertures autour d'eux. ce qu'il aime à sainte pélagie, c'est aussi son isolement. même d'ici, on ne voit pas les points lumineux de la ville, y a personne pour entacher leurs étoiles. ou peut-être que c'est parce qu'ils sont pas tournés vers la ville aussi. là bas, y a personne comme nous. ils vivent tous à cent à l'heure. ils sortent jamais, ou alors ils sont toujours dehors. ils se posent pas, ils regardent rien. là bas, ils connaissent pas ce que c'est d'être un village, puis ils connaissent mal l'océan, sauf les marins, quelques uns. new york, tokyo, londres. calcutta. destinations dont il rêvait autrefois, maintenant transformés en cauchemars. les maisons sont toutes serrées. les gens sont pas gentils, ils s'excusent jamais. y a pas de zazie pour pas terminer les histoires alors les leurs se terminent mal. ça pue là où ils habitent. néo mérite pas de voir cette misère. quand on n'a jamais quitté l'île, on a envie de partir. fin moi, j'avais eu envie, ne serait-ce pour voir. mais... n'y va jamais. le poison de leur dérive fait oublier combien ici il fait bon vivre.

Il écoute ses histoires à mille lieux d’ici. Ça semblait lointain, l’autre monde. Il paraît iréel, mais pas comme un rêve, un peu comme un cauchemar exprimé en mot défendu. Tout semble gris de l’autre côté alors que l’herbe est si verte ici. Néo et son île perdue. Parfois il se rêve marin. Jack London lui avait donné le goût de l’aventure. Le vagabond magnifique. Mais néo là-bas, son feu bleu s’éteindrait et il mourrait. C’est triste ce que tu dis. Comment ces gens peuvent-ils vraiment vivre ? Ils ne vivent pas, ils survivent ! Il est triste maintenant, pour toutes ses âmes qui ne prennent pas le temps de ressentir, d’aimer, de capituler. Il n’y a personne pour ne pas finir leurs histoires ? Comment tu fais alors quand un jour, ça se finit ? C’est pas possible ce que tu dis, ça à l’air terrible comme vie ! Prends garde néo. Jamais il ne quittera sa terre mère. Il rêvera d’un autre pays qui n’existe pas. Il est déçu de ce que sirocco lui apprend sur l’au-delà. J’aurais aimé voir du pays avec des gens que j’aime. Découvrir de nouvelles cultures. Mais je pense que je vais me contenter de voyager dans mes livres. La misère ça me fait mal quand je la vois. Je ne pense pas que je pourrai la supporter. Puis il tourne les yeux, encore une fois, vers son ami. Parle-moi de celui que tu as aimé.

mine d'excuse gribouillée à néo, oui néo, là bas les gens prennent pas le temps. mais tu sais y a pas que des choses moches, ils font aussi de très très beaux endroits. il suffit de savoir visiter. de savoir esquiver aussi. sirocco, lui, est rentré brutalement dans ce monde. ça ne pouvait pas marcher, c'était couru d'avance. et puis, tu sais, parfois la misère c'est beau. tout n'est pas perdu là bas mais je peux t'assurer qu'ici, c'est plus beau. si tu veux, on pourra aller demain ou après-demain de l'autre côté de la mer ? j'ai des colis à aller chercher, on restera juste à la ville. de toute façon y a pas grand chose, c'est juste plus goudronné. petit silence. les lucioles s'allument, étrange pour cette période de l'année, si peu propice aux veillées noctures. t'en dis quoi ? les yeux se rencontrent, étincelles. sirocco pourrait aimer ces yeux, aimer néo, quand ils se regardent comme ça. regard qui s'assombrit, quand il entend la demande de son tout nouvel ami. pourtant, la langue se délit. par besoin de parler, par envie de se confier à un inconnu tout fraîchement découvert ? parce qu'il sent que néo ne le jugera pas ? quoi qu'il advienne ? il s'appelait gauvain. tu sais, comme le chevalier. gauvain. il venait pas d'ici et il se promenait rarement dans le village. il était mystique. il aimait bien entretenir le mystère. sirocco espère qu'il fait trop noir pour distinguer la rougeur de ses yeux. il- désolé. ça m'émeut de parler de lui, un peu. j'en parle jamais. il se souvient, maintenant. les échappées, les vitres cassées. les cigarettes cachées sous la barque, les baisers sous l'eau. la morsure du sel sur leurs serments gravés à même la peau. les picotements de leurs tatouages et puis, aussi, ce week end à calcutta. il voulait aller partout. il voulait aller nul part. il en avait un peu marre, je crois, de vivre comme ça, si vite. alors on est partis, dans ces endroits fabuleux. au début c'était merveilleux. j'ai vu les pyramides en égypte, tu sais, là, très grandes, le louvre à paris, le lac titicaca, ça le faisait rire ça, le lac titicaca. enfin bref. après, il a voulu aller à calcutta. il y a de vieilles légendes là bas, peut-être qu'il y croyait. la grande ville aux murs sales. on y est allés. aux rues crades. il en est pas revenu. et, alors qu'il se remémore les rixes, gauvain qui lui murmure reste caché, t'inquiète ça ira, les coups de feu puis l'odeur du sang, le soleil qui se lève et la nuit qui tombe pourtant dans son coeur, son amant dans les bras, oui, malgré tout ça, sirocco respire enfin.

Il ramène l’espoir dans ses paroles. Peut-être qu’il ira de l’autre côté de la grande bleue. Néo. Sirocco. Ensemble sur un bateau. C’est vrai ? Tu pourrais faire ça pour moi ? Il est surexcité à l’idée de quitter cette terre sur laquelle il a grandi, même pour quelques heures. Oui, je veux s’il te plaît je veux ! Néo se resserre contre son nouvel ami, comme un homme à la mer qui s’agrippe à sa bouée. Fasciné. Tout près. Il se trouve beau Sirocco. Comme jamais il n’a trouvé un garçon aussi beau. C’est peut-être son âme qui lui parle. Il pourrait l’embrasser là, tout de suite, tellement il est heureux de cette aventure. Mais le regard de son ami s’assombrit et néo s’inquiète lorsqu’il l’entend parler de son amour perdu. Paris ? Quelle chance. Quelle vie. C’est terrible. Je suis désolé. Il s’en veut d’avoir rouvert des cicatrices douloureuses. Il le voit dans les yeux de sirocco, hautain y a planté quelque chose. Mais il y connaît rien à l’amour néo. Il a eu de la chance de t’avoir, ce Gauvain. Et t’as eu de la chance de l’avoir aussi. Pour un temps. Moi j’ai jamais connu ça. L’âme-soeur. L’amour. Il parait que ça plus mal qu’autre chose… ses yeux se perdre dans les étoiles qui se lèvent. Depuis tout petit, ma mère m’a élevé et appris à aimer toutes les personnes que je rencontrais. Mais j’ai vingt ans et je n’ai jamais embrassé personne. Tu trouves ça bizarre toi ? Et puis quand tu aimes de loin, tu souffres pas, mais quand tu aimes de près, ton monde il peut s’effondrer à tout moment. Comme toi avec gauvain. Il plante les yeux dans les siens. Si c’était à refaire, tu l’aurais suivi gauvain ? Même si tu savais que t’allais autant souffrir ?

c'est vrai, l'amour ça fait mal mais quand c'est là, là, posant une main sur le coeur de néo, sirocco s'allume, je ne sais pas, tu e x p l o s e s. tu as envie, ah, de crier, de danser, de sauter, de t'envoler, de tout ça en même temps. de courir dans les prés et de lancer des fleurs, des confettis, et puis, de se savoir aimé, pour ce que tu es, sirocco pourrait bien se laisser porter par le vent qui, à cet instant, est comme une brise légère, une caresse. ça lui réveille juste ce qu'il faut de colère pour exprimer ce qu'il ressent. bien sûr que je le referai. bien sûr. lui non plus il pensait ne pas souffrir, enfin, si, peut-être, il aimait bien jouer avec le feu. mais on s'aimait, et quand je courrais avec lui dans les collines de sainte-pélagie, je croyais en toute l'innocence du monde. il enveloppe néo dans ses bras, néo, il pourrait bien l'embrasser oui, mais c'est de zazie que néo aimerait recevoir un baiser. il y a des amours constructeurs et des amours destructeurs. mais, qu'ils fassent du mal ou du bien, l'important, c'est d'avoir su ce qu'aimer veut dire, et néo, t'en fais pas. y a pas d'âge pour tomber amoureux ou pour être aimé. y a pas d'âge. et puis vingt ans, c'est quoi ? sirocco aussi a vingt ans, ou vingt et un peut-être, il ne sait pas quand est-ce qu'il est vraiment né, il ne sait même pas son nom de baptême. c'est quoi ton rêve ?

Il touche son coeur avec ses mots et sa main. Néo pourrait presque imaginer ce que ça fait, d’être touché, persécuté pour la personne que tu aimes. Lorsque c’est toi qui le racontes, ça à l’air beau l’amour, comme dans les livres. Néo se réfugie dans les bras de Sirocco. Ses mots le touchent. Il n’y a pas d’âge pour aimer. Donc tout va bien. Tout va mieux dans les bras de son ami. J’ai plein de rêves, peut-être même trop. J’aimerais reprendre la librairie quand yoda passera l’arme à gauche. Je veux aussi vivre au pied de la mer pour qu’elle me morde les pieds tous les matins. Mon rêve serait de tout le temps vivre dans mes rêves. Ma mère me dit trop souvent que je ne suis pas là, mais où je suis quand je suis pas là ? Pour moi, les songes sont aussi réels que la réalité. J’aimerais vivre dans la conscience qui rend tout possible. Mais on m’y arrache trop souvent à ce rêve. Garde les pieds sur terre qu’on me dit. Mais je sais que je suis de ceux qui marchent sur les nuages. Il lève la main vers les cieux et la fait danser dans l’air. Moi mon rêve serait d’être comme le vent, aussi libre que la nature. Mais mon rêve de maintenant, c’est d’aller au-delà de l’océan avec toi.

c'est vrai, où l'on est quand on n'est pas là ? on pourrait être n'importe où, nul part aussi, et c'est sûrement le fait d'être nul part qui fait peur à sirocco. être nul part, c'est être dans le néant. et le néant, c'est être seul. néo rêve de belles choses, néo rêve de ce qui, là bas, sur le continent est impossible, mais ici, il a une chance. et le vent. le vent comme une liberté dans ses propos, mais sirocco, lui sait bien que le vent souffle parfois du mauvais côté (trop souvent), et qu'il faut toujours lutter. t'as raison de vouloir être libre. grand sourire. c'est vrai que, lorsqu'il souffle dans le dos, le vent marque des points et il lui arrive de le remercier. des fois. frisson sur sa peau, février est encore trop glacé pour passer la nuit à la belle étoile. demain, on ira, alors. je te montrerai, y a une super bibliothèque dans un monastère. par contre, on prend le bateau de sept heures et demie. long soupir face à la voie lacté. je te dépose chez toi ? mon vélo est quelque part par là.

Le froid inquiète leur corps qui frissonne. Il est temps de rentrer. J’ai hâte de voir tout ça de mes yeux. Quelle aventure pour moi ! Sept heure et demi, je serai là, promis. Promesse qu’il grave de sa main sur sa poitrine. Il se lève et prend la main de sirocco pour le remettre sur pied. Il enlace ses doigts entre les siens. Si ça ne te dérange pas, j’en serai ravi. Allons le chercher, ton vélo. Tous les deux partent main dans la main. S’enfonçant dans la pénombre pour rejoindre les lucioles de saint-pélagie, se promettant de se revoir dans quelques heures.

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